Bientôt deux mois sans un mot sur le blog !
D’un certain point de vue cette situation est inqualifiable, je le reconnais, et je serais facilement pétri de honte pour le peu que j’en reçoive de gentilles et pourtant discrètes relances des uns ou des autres qui se disent à juste titre : « mais enfin qu’est ce que vous devenez ? On ne sait plus, vous n’écrivez plus…»
Profil bas.
Bien sûr le blog de Ciao est une passerelle précieuse de communication entre vous restés à terre, et nous évaporés quelque part derrière l’horizon. Il est évident qu’elle nous nourrit tout autant du côté écriture, que vous, semble-t-il, du côté lecture ; sans négliger notre plaisir de recevoir vos réactions spontanées…
Le problème est que si je cédais à l’idée qu’à intervalle bien régulier une prose en bonne et due forme doive atterrir sur le blog, j’y perdrais à coup sûr mon sens et mon plaisir. Alors… Parfois deux articles la même semaine, et parfois rien pendant deux mois ; la fréquence se détermine toute seule, au feeling, il semble que je n’aie pas trop le choix…
Bon allez je dédramatise : il y a eu juste deux bonnes poignées de semaines qui sont passées très vite pour nous et qui nous ont fait transiter comme le ferait un clap de cinéma d’une ambiance d’attente (ou il n’y avait pas grand-chose à en dire) à « Action » (ou on n’avait plus le temps pour écrire). Voilà pour l’excuse !
Si je rembobine ma mémoire sur Février, il me reste en prédominance nos scrutations quotidiennes des prévisions météo sur notre zone, et les soupirs un peu fatigués qui s’échappaient le matin à la visualisation sur l’écran du site, d’une enfilade de dépressions attachées les unes aux autres laissant à peine quelques heures de répit entre elles. Elles se sont confirmées, elles sont passées, elles nous ont confiné une grande partie de ce petit mois de février dans le carré du bateau où nous pestions d’être incommodés par le chauffage d’appoint au gaz, qui ne fonctionnait plus en appoint mais pratiquement en permanence la journée, avec une difficile ventilation de l’habitacle sous les grains.
Vis à vis de la force des éléments, heureusement, dans la baie nous sommes très abrités de la houle. Il y a bien eu quelques ondes qui se sont infiltrées à marée haute, mais c’était à peine perceptible, 50 ou 60 centimètres d’amplitude tout au plus là où nous sommes. Par contre le vent pouvait lever en quelques minutes et pour quelques heures un clapot impressionnant, fait de petites vagues courtes qui défilent très vite nous donnant l’impression de naviguer alors que nous étions (normalement) solidement amarrés sur la bouée.
Le catamaran, pourtant d’ordinaire bien stable, se tortillait brutalement dans les rafales les plus fortes, tirant alternativement sur l’une ou l’autre amarre de la patte d’oie. A l’intérieur, bien que dérangés par les craquements désagréables des aussières passées sur les taquets avant, nous étions amusés de voir défiler le paysage de 90 degrés en quelques secondes. Si on a la certitude que tous les éléments qui tiennent le bateau sont indestructibles, on peut trouver le manège sympathique, mais si on a le moindre doute, par exemple, sur la manille du fond que l’on n’a pas pu vérifier, on serre un peu les fesses dans les moments les plus intenses.
C’est ainsi que lorsque quelques objets ont commencé à tomber dans le carré, dans les mêmes moments que quelques vagues sont venues se lever et se fracasser sous la nacelle, nous avons envisagé devoir prendre la main au cas où l’amarrage ne finisse par se rompre.
Par deux fois, nous avons sorti du coffre les bottes, les cirés, préparé le poste de barre et mis les contacts sur « ON», pour être opérationnels en quelques secondes en cas de besoin. La prévision était 35 Nœuds établis, rafales à 49, donc Force 8 à 9 bien servi ; ça fait du vent tout ça !
La ligne d’amarrage n’a pas bougé. Seule la bouée nous a salués d’un gros « bang » en tapant sous le bateau, et nous l’avons vue s’éloigner derrière nous… A la fin de la période agitée nous l’avons cherchée mais nous ne l’avons pas retrouvée ; quelqu’un l’a récupérée avant notre passage parmi les débris entassés sur la berge. Nous avons appris que c’est une activité assez prisée des locaux que de fouiner le rivage immédiatement après un coup de vent pour glaner quelques bricoles échappées en douce des bateaux. Ok nous nous en souviendrons.
Outre les dites bricoles, nous avons compté lors de ces mois venteux une vingtaine de bateaux positionnés sur le mouillage qui se sont retrouvés jetés à la côte, posés sur le flanc au petit matin.
Sur 500 bateaux présents, cela ne représente que 4 % ; les moins entretenus parait-il… De l’avis des professionnels qui travaillent sur le plan d’eau nous pouvions raisonnablement nous détendre un peu. Certes, en début de saison se décrochaient effectivement des rafiots verdis d’ennui, mais sur les derniers coups de ventilateur, de jolis bateaux récents se sont quand-même joints à la danse…
Nous en conclurons à un hiver un peu particulier en discutant avec plusieurs résidents de Hendaye depuis leur tendre enfance ; ils se sont montré étonnés, l’un de voir pour la première fois des vagues aussi fortes dans la baie, l’autre de constater que jamais auparavant il n’ait vu autant de bois mort échoué sur la grève, un troisième de compter la sixième tempête alors que d’ordinaire une ou deux viennent ponctuer la période hivernale…
Nous n’avons pas la télévision à bord (nous n’en voulons surtout pas) et nous écoutons principalement les programmes musicaux d’une radio espagnole peu bavarde, alors nous sommes restés dans une conscience très locale des conditions météo de cet hiver, jusqu’à ce que plusieurs appels téléphoniques de la famille ou des amis s’inquiétant de notre sort, nous aient fait prendre la mesure du grabuge vécu sur toute la côte Ouest.
Nous avons débarqué sur une journée de calme pour nous joindre aux passants, stupéfaits comme nous de constater que le bord de mer à Hendaye s’est fait violemment déborder, et qu’au casino de Biarritz rien ne va plus… Les bulldozers se sont installés sur la terrasse pour lever un rempart de sable à chaque marée basse, dans le but de freiner les ardeurs du flot suivant qui aurait tendance à rentrer dans les salles de jeux… Les croupiers devront bientôt posséder un diplôme de maître nageur !
Nous avons trouvé la baie de Biarritz totalement blanche de gros bouillonnements impétueux, et la grand-plage interdite d’accès au public, parée d’immenses nappes d’écume légère et frissonnante. Nous avons croisé plusieurs fois des équipes de télévision qui retransmettaient avec commentateur décoiffé et micro-plumeau sur un arrière plan de vagues rebelles, des images que vous avez dû voir au « 20 heures »…
C’est surtout la beauté, la grâce, l’élégance et la force de cette nature qui nous sont apparues, ainsi que le tumulte dominant de toute cette masse liquide empreinte de liberté… Cette vision d’une crème de capuccino géant délicatement déposée à l’extrémité de chaque rouleau, puis reprise et amenée un peu plus loin ou elle s’accumule en congère improbable… C’était tellement beau, délicat et spontanément dessiné.
J’avais l’impression d’un changement d’échelle dans ce décor superbe ou le littoral serait resté à sa dimension ordinaire devenu ridiculement trop petit pour accueillir la mer deux ou trois fois plus haute, plus forte, plus vive…
Un spectacle que nombre de personnes sont venues observer dans un calme presque recueilli. Nous sommes rentrés tard dans la soirée, remplis du rythme de cette belle danse assourdissante et puissante, même si en arrière plan il est permis de se demander si elle ne résulte pas plus ou moins des dérèglements climatiques en cours…
L’hiver a vraisemblablement rendu son dernier souffle de tempête, et pas des moindres, les 2 et 3 mars ; trois jours plus tard nous étions sous des températures de plus de 20 degrés, grand soleil et temps calme…
Nous avons eu, un de ces beaux matins, la nette impression d’être passés à une autre phase de cette préparation, celle qui fait ressentir que les choses se précisent, que maintenant le départ approche, et qu’il va falloir enclencher la vitesse supérieure…
Je vous laisse (je promets pour peu de temps cette fois) sur l’inertie de la période précédente par
ces quelques images filmées à l’occasion des jours agités.
marie-pierre et henri 05/04/2014 12:14
marie-pierre et henri 18/03/2014 19:19
Michel Lefebvre 22/03/2014 10:57