Ferragudo – baie de Portimao (Algarve)- Pont d’envol vers Madère…
Notre séjour sur Cascais (entre le 5 et le 15 Aout) s’est effiloché dans le temps et dans le vent, dans une routine presque terrienne, entre les courses dans un hypermarché assez proche qui nous attirait comme un aimant par son côté pratique, quelques ballades en ville, d’assez longues mais nécessaires connexions à internet, et quelques demi-journées tranquilles sur le bateau…
Nous avons néanmoins consacré une journée à la très touristique région de Sintra (20 km au nord de Cascais), petite ville, fichée dans un écrin de végétation abondante sur un relief escarpé, qui offre la visite de plusieurs châteaux et palais somptueux, parfois extravagants, hérités d’un passé compris entre le moyen âge et le XIX ème siècle. Cette visite, qui nous a enchantés par ses qualités esthétiques, a, par contre, été assez peu accessible pour nous sur ses contenus culturels dans la mesure où aucun document, aucune visite guidée, n’étaient proposés en langue française ; dommage.
Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de déchiffrer les dépliants et les différents panneaux relativement imprécis et confus afin de tenter d’organiser notre visite, avant de conclure que les offices de tourismes préféraient vraisemblablement orienter la clientèle vers un forfait réunissant une quantité de sites à ingurgiter les uns après les autres ; en clair : « le package pour touristes », une recette « all inclusive » à la mode, mais qui ne nous a pas séduits. D’ailleurs, même au pas de charge, et en utilisant les lignes d’autocars allant d’un site à l’autre, il est apparu impossible - et de loin - de boucler le tout dans une seule journée ; alors…
Alors, après avoir foulé les marches et les passages pavés des contreforts du château médiéval « Castelo dos Mouros », en bougonnant quelque peu sur les abus mercantiles du tourisme dans cette région, nous nous sommes dirigés un peu par hasard, vers le domaine de « Quinta da Régaleira ».
Etrange, mystique, et surprenant dans ses aménagements, ce parc de 4 hectares nous a retenus plusieurs heures, et a fait naître à de multiples reprises des expressions d’émerveillement, et autant d’interrogations sur les motivations de ses bâtisseurs…
L’esprit et l’ambiance de la journée ont été heureusement sauvés par cette belle visite.
Après le bonus temps évoqué dans le précédent article, nous nous sommes donc décidés à laisser derrière nous, Cascais et sa baie très ventée au sein de laquelle 30 à 35 nœuds de vents nous ont complètement saoulés pendant les derniers jours.
Nous avons levé l’ancre dès les premiers rayons de soleil le 15 Août, en direction de Sinès, 60 milles plus au Sud. Une navigation rapide, animée par les « Alizés portugais » de force 4 puis 5 à 6, a confirmé notre plaisir à la barre d’Agur, et aussi sa capacité à accrocher régulièrement les 10 nœuds lors des longs surfs bruyants.
Sinès, est un port industriel peu attirant qui permet néanmoins une escale de repos, au mouillage face à la plage « Vasco da Gama », dans une large enceinte très protégée, entre les quais des pêcheurs et la marina. En soirée nous étions interpellés par le calme plat environnant, contrastant avec le niveau sonore élevé et permanent provoqué par le vent les jours précédents.
Sans que nous ayons mis le pied à terre, dès le lendemain au lever du jour, Agur pointait vers le Cap Saint Vincent, extrême sud-ouest de la péninsule ibérique, et par là-même du continent européen…
Une longue navigation se préparait alors, avec 85 milles à couvrir pour viser en toute fin de journée une escale à Ferragudo, dans la baie de Portimao.
« Cabo Sao Vicente » ou Cap Saint Vincent.
Ce cap est différent de tous les autres que nous avons évoqués jusqu’à présent ; sa configuration quelque peu agressive, en tous cas imposante, marque très nettement un changement de région, un changement de climat, et modèle un espace maritime qui devient méconnaissable une fois le promontoire viré.
Notre ressenti a été tel que cela vaut bien un paragraphe !
Depuis le milieu de matinée, nous descendions à bonne allure dans un flux de Nord-Ouest modéré de 12 nœuds environ ; vers 16 heures, soit une heure avant les parages du cap, la mer se formait de grosses crêtes blanches à mesure que le vent montait doucement à 15, puis 17 et enfin autour des 20 nœuds (force 5 bien établi). Nous naviguions avec la Grand voile au premier ris et le génois entier, nous tenant prêts à réduire encore au besoin tant il était évident que le cap ferait les gros bras…
Bonnet de laine, cols roulés et anoraks étaient de rigueur, malgré le plein soleil ; sous l’effet du vent, la sensation de froid a dominé toute la journée et les 19 degrés affichés au thermomètre n’étaient guère convaincants.
Virer le cap, signifie s’éloigner petit à petit du vent arrière, passer ensuite au vent de travers, et finir au près ; le tout s’est échelonné sur une heure environ. En modifiant ces allures, la sensation de vitesse s’accroissait, et l’inconfort aussi ; la fraîcheur était encore plus perceptible, frisant le désagréable.
Fallait-il réduire encore les voiles ? Non, c’était proche du maxi, mais nous sentions que ça n’allait pas durer très longtemps…
Le cap St Vincent vu depuis le Sud
Puis le rocher s’est approché, ses détails sont devenus tous visibles ; le phare qui le surmonte, certainement blasé par le nombre d’équipages qui le photographient, semblait nous regarder passer d’un air désintéressé.
Très rapidement la mer est devenue plate ; totalement plate. Le vent, toujours aussi vif, propulsait le bateau, comme le ferait un énorme moteur régulier, à une vitesse Gps de 9 à 10 nœuds, et cette fois sans vague pour l’aider.
Agur labourait l’océan de deux tranchées qui se rejoignaient en une gerbe verticale quelques mètres derrière le bateau et laissaient un long sillage blanc loin derrière nous. Impressionnant et grisant.
Le vent a persisté encore un peu derrière le cap, et s’est effondré (le vent s’est effondré, pas le cap !) en moins d’une minute pour laisser un léger souffle franchement chaud venant de terre. Bonnet, anorak et pulls sont tombés instantanément sur la banquette du carré; il faisait 26 degrés.
Etourdis de senteurs chaudes venant de terre, comme des effluves de maquis, de lauriers, ou d’eucalyptus peut-être, nous avons bénéficié encore une heure d’un doux force 3 pour nous faire avancer à 6 Nœuds vers Portimao
L’océan quant à lui est passé d’un bleu dur, profond, zébré d’écume blanche à des teintes très claires de topaze bleu, évoquant les eaux méditerranéennes dans le calme des criques solitaires, avant de nous charmer dans les orangés du couchant…
Ah ! Magique ce cap Saint Vincent ! En tous cas dans ce sens-là, et à cette saison !
La baie de Ferragudo à 25 milles plus à l’Est, s’est fait un peu désirer du fait que notre vitesse avait retrouvé des caractéristiques ordinaires, et lorsque nous nous sommes glissés entre les feux rouges et verts de l’entrée de la baie, la nuit était totalement tombée. Il a fallu s’y reprendre à deux fois pour mouiller l’ancre, très précisément, au beau milieu d’une trentaine d’autres bateaux presque déjà endormis.
Nous nous sommes posés, tout près d’un gros ketch éclairé comme un sapin de Noël, dont l’équipage sur le pont guettait la manœuvre, et devait nous trouver un peu trop proches de leur chère embarcation qu’il aurait certes été dommage d’écorner...
Qu’importe, le temps était calme, et le profond « sommeil du juste » nous a très vite pris en charge gommant toute improbable anxiété quant à la tenue du mouillage.
Ferragudo.
Ferragudo, est un village de pêcheurs discret dans la grande baie de Portimao. Beaucoup pourraient le trouver banal, avec ses maisons un peu disparates, ses cabanes de pêche rudimentaires en bordure de plage et les casiers malodorants empilés ; mais à nous, il nous parle autrement…
Il résonne ce que nous avons vécu et ressenti lors de notre passage en 2012 en direction du Nord… Comme un petit havre de paix, Ferragudo nous avait invités à nous poser et à prendre un peu de recul par rapport au voyage et à la vie en bateau…
C’est ici à Ferragudo, que nous avions exprimé notre envie, et validé la décision interne de repartir un jour, plus loin, plus longtemps.
Dès le premier jour, nous avons retrouvé notre petit « resto » fétiche, et sa serveuse sympathique, Silvia, qui se souvenait de notre précédent passage.
Nous pouvons dire que c’est ici que ce voyage est né, et sans que nous l’ayons spécialement voulu, Il se trouve naturellement que c’est d’ici que nous partirons pour traverser vers Madère dans quelques jours.
En revenant à Ferragudo une espèce d’ellipse de deux ans s’est refermée, comme si nous reprenions aujourd’hui l’essence ce qui était en nous à ce moment-là, et que nous poursuivions une route tracée d’avance vers des horizons jalonnés des mystères de la vie et d’inconnues…
Au présent, tout en surveillant la situation météo sur cette partie de l’atlantique afin de trouver un créneau de 4 jours pour traverser avec de bonnes conditions (ni trop fort, ni trop faible), nous allons profiter de quelques ballades sur les falaises de l’Algarve, de séances plages (trop rares à notre goût jusqu’à maintenant), et il faut bien l’avouer nous comptons bien nous accorder un ou deux écarts diététiques sur des spécialités portugaises…
Tout un programme quoi !
Après tout, ce sont encore les vacances non ?
Côte sud du Portugal
patrick 20/08/2014 20:00
patrick 20/08/2014 13:35
Michel 20/08/2014 17:57
Sébastien 20/08/2014 01:38
Michel 20/08/2014 17:55